mercredi 12 août 2009

LIVE : Bill Callahan, Manufaktur

10/08/2009


J'aime beaucoup Bill Callahan. C'est un des seuls artistes dont la discographie tienne la route d'un bout à l'autre (si l'on laisse de côté ses débuts en tant que Smog et son premier disque éponyme), construisant ses chansons autour de lignes répétitives et de paroles toutes en punchlines, évitant constamment d'ennuyer, gardant en ligne de mire une sincérité brute, parfois teintée de cynisme mais toujours dévastatrice, l'art de la formule et de l'économie érigés en principes maître.

Assez étrangement, il passe toujours derrière Bonnie "Prince" Billy et Jason Molina dans les énumérations de très bons songwriters américains alors que, contrairement aux deux précédents, retranchés depuis une demi-décennie dans des territoires très peu aventureux (une country très traditionnelle et assez peu mémorable pour l'un, sous-Neil Young de fond de bar pour l'autre), lui se distingue plus que jamais par des disques impeccables, emplis de morceaux ciselés de manière unique -difficile de comparer son écriture avec celle d'un autre songwriter ou de l'inclure dans un quelconque courant. La seule comparaison vraiment pertinente serait avec tout un pan de la littérature américaine, Callahan tenant assez bien -à mes yeux- le rôle de Grand Ecrivain Américain.

Je suis super fan de Bill Callahan. Tellement que, avec un cercle d'amis très restreint, nous lui souhaitons de ne (plus) jamais connaître le bonheur. Prenant pour preuve le très décevant Woke on a Whaleheart (au titre pourtant prometteur), réalisé alors qu'il filait un amour étonnamment doux avec Joanna Newsom, nous avons décidé que toute amourette non teintée de sang ou d'hystérie ne saurait être admissible.

Notre raisonnement est le suivant : A River Ain't Too Much To Love, dernier disque en tant que Smog est parfait, un de ses meilleurs. Là-dessus il rencontre machine et nous tombe Woke on a Whaleheart pour lequel il a enregistré trois bons morceaux, un ne figurant qu'en face-b. On est gravement déçus et on se dit "il va nous faire comme Jason Molina, il change de nom et maintenant ça va être tout pourri." Un des fondements de nos vies -une des choses inamovibles sur lesquelles nous pouvions compter- n'est plus. Au fil du temps, chacun à sa manière (alcool, bricolage, exil en Chine) nous avons réussi à rendre cette trahison presque supportable, y croyant néanmoins toujours. Et là, oh joie, la sylphe quitta notre vieux chêne pour aller faire la maline dans des clips de MGMT. Qui sortiront à coup sûr le mauvais disque que nous savons tous pertinemment qu'ils ont en eux. La malédiction passée, Callahan a sorti un très bon disque, Sometimes I Wish We Were An Eagle et je saute sur la première occasion de voir mon héros.

Accompagné de quatre musiciens impeccables (violon, violoncelle, guitare, batterie) Callahan a débuté les festivités (hum) avec un "Our Anniversary" tronqué pour faute de soucis de guitare ("its our anniversary, you got the jist of it") avant de se lancer dans un set centré autour de Sometimes I Wish We Were an Eagle qui est un très bon disque (mention spéciale à une version tendue de "All Thoughts Are Prey to Some Beast"). Ils ont également joué "Cold Blooded Old Times", les deux bons morceaux du disque précédent et quelques morceaux de A River Ain't Too Much to Love, dont le fabuleux "Rock Bottom Riser" qui conclût le set. Ca a été la grande classe, mon regard n'a cessé d'errer entre Callahan et Luis Martinez, son batteur au jeu félin, intuitif, complètement habité, incroyable à regarder -pas parce que ça allait vite et qu'il en mettait plein partout- juste parce que c'était beau.

Rappels il y eut, "In the Pines" suivi par une version monumentale de "Bathysphere" (belle surprise) après laquelle on a continué d'applaudir, vu que d'autres gens continuaient d'applaudir aussi et, bonheur, ils sont revenus (après cinq bonnes minutes quand même) pour finir ce concert avec un "Let Me See the Colts" qui fut parfait, à l'image de la soirée.

http://www.dragcity.com/callahan.html