mardi 6 avril 2010

LIVE: Why? @Poudrière, Belfort

2/04/2010


Alopecia, l'avant dernier album de Why?, est une véritable merveille, réussissant l'exploit de surpasser le déjà excellent Elephant Eyelash, chef d'œuvre ultra personnel, carrément dérangeant par moments, et pourtant très abordable. On retrouve sur Alopecia cette introspection nue contrastée par des arrangements d'une redoutable efficacité mélodique. Là où ils réussissent leur affaire c'est dans ce mélange des genres complètement digérés, dépassant le simple crossover indie rock/hip-hop, qui ne détonne jamais, le groupe proposant une musique qui leur est propre et sonne au final super naturelle.

Ils fonctionnent un peu comme un Xiu Xiu (avec lesquels ils partagent un certain goût du déballage thérapeutique impudique) en négatif : le chant/flow est monocorde et la musique opte pour une approche plus subtile que le triple surlignage de Jamie Stewart. Et pourtant le fond, la sincérité, l'approche du travail d'écriture sont au final très proches (voir leurs reprises respectives). Le résultat est évidemment moins choquant et plus abordable pour un auditeur peu attentif (il n'y a personne qui hurle) mais étourdissant pour peu que l'on se donne la peine de s'intéresser de près à ce qui se dit. C'est très sombre, chaque morceau fonctionnant comme une vignette super détaillée, rendue avec un souci d'authenticité assez hallucinant, où rien ne semble être ni magnifié, ni -et c'est ce qui rend les chansons si dérangeantes- omis (Jerking off in an art museum John until my dick hurts / The kind of shit I won't admit to my head shrinker). L'ambiance est au dénigrement, le regard porté par Yoni Wolf sur lui même est impitoyable et le résultat saisissant.

Tout ça pour dire que Why? est, à mon sens, l'un des grands groupes de ce début de siècle. Et je suis allé les voir à Belfort. C'était loin, il faisait nuit et il pleuvait. Et c'était super.

J'ai plus ou moins volontairement loupé les deux premières parties (dont Josiah Wolf, le frère Yoni, batteur/xylophoniste incroyable dans Why? et auteur d'un disque solo très moyen sorti il y a peu) et suis donc entré dans le vif du sujet, comme le groupe, qui a commencé très fort avec un These Few Presidents redoutable. Le son était impeccable et les musiciens vraiment excellents (basse/guitare/batterie/claviers/chant), ça faisait un moment que j'avais pas eu cette sensation de voir un groupe "pro", autant au niveau de la performance que du son. Ils ont pioché assez généreusement dans Alopecia et Elephant Eyelash et gardé les bons morceaux d'Eskimo Snow, leur dernier disque, plutôt décevant, constitué de morceaux plus pop, quasiment tous chantés, enregistrés lors des sessions d'Alopecia. Ils sont revenus pour un rappel de haut niveau ("The Hollows", génial) et nous ont laissé rentrer chez nous contents et définitivement conquis. Excellent concert.

Why?: http://www.myspace.com/whyanticon

samedi 3 avril 2010

LIVE: Mount Eerie + No Kids @Grillen, Colmar

1/04/2010


J'adore les Microphones, The Glow pt. 2 est un des mes disques préférés, complexe dans son innocence, entre roman initiatique et histoire d'enfant sauvage. Ça fait un moment déjà que Phil Elvrum a laissé tomber le nom de Microphones pour s'appeler Mount Eerie, du nom d'une montagne du nord est des Etats Unis, de par chez lui. Et ce changement de nom a également marqué un changement dans sa musique, plus austère, moins ambitieuse dans ses arrangements, du moins jusqu'à son tout dernier disque, Wind's Poem, qui est, comme son nom l'indique une sorte d'ode au vent, dans lequel on retrouve cet incroyable son de batterie, unique et reconnaissable entre mille, lo-fi mais pas brouillon, qui servait de catalyseur dans les Microphones et qui ici est, tout simplement, tempête.

Et donc je suis allé voir Mount Eerie à Colmar, en bonne compagnie. Et c'était pas mal.

Mais avant tout, histoire de faire les choses dans l'ordre, il convient de parler de No Kids. Je ne connaissais que de nom (et j'ai écouté depuis et c'est vachement moins bien sur disque) et j'ai été très agréablement surpris. Pas de claque hein mais un charme désuet assez saisissant. En gros, ils sonnent un peu comme Wham!, sans les tubes. Trois claviers, batterie, lunettes à larges bords, chemise dans le jean, boutonnée presque jusque en haut. C'est super léger mais touchant, ils se tiennent à ce parti pris de départ (pop 80s canal historique) et le font assez bien. Il y a eu des moments de flottement, des morceaux un peu bancals, mais le coté homo de banlieue en mal d'amour qui a passé toute son adolescence à écouter George Michael et les Smiths dans sa cave est vraiment chouette. Bonne surprise.

Et après donc, Mount Eerie. Deux batteries, le mec et une des filles de No Kids aux claviers et Phil Elvrum, un peu empâté avec quand même toujours ce côté Peter Pan, à la guitare et au chant. Wind's Poem a été enregistré après un long séjour en Norvège, ou Elvrum a découvert les jours de nuit d'hiver, le vent (apparemment) et le black métal. Alors après c'est du black métal light hein. En gros il reprend les batteries doublées de The Glow pt 2 et ajoute des riffs plus lourds et des nappes de synthés qui font très Twin Peaks (influence No Kids). Ça fonctionne assez bien, le son est bon et j'ai pris du plaisir, souriant aux envolées épiques de ce mec en tongs/chaussettes (il y avait aussi un côté presque zen dans tout ça, et je dis pas ça qu'à cause des tongs/chaussettes). Concert sympathique qui aurait été vachement mieux avec des morceaux des Microphones, parce qu'au final, même si le disque est bon et même si le concert a été réussi, ça reste un exercice de style, un concept album, déconnecté de l'intimité qui faisait de ses premiers disques des oeuvres paradoxalement bien plus universelles. C'est un peu ce que je reproche à Mount Eerie, ce côté pas-de-côté qui disqualifie d'emblée toute possibilité de mieux qu'avant. En espérant me faire contredire.

Concert organisé par Hiero Colmar, dans le cadre de la session de printemps du festival Supersounds.

Mount Eerie: http://www.pwelverumandsun.com
No Kids: http://www.myspace.com/nokidsband